Oliver Stefani, nouveau chef du design ŠKODA: «le design, un vecteur d’émotions»

Oliver Stefani s'exprime sur sa vocation, sa passion pour les dessins animés et sur l'avenir du design de la marque tchèque dans une interview publiée sur ŠKODA Storyboard.

Qu’est-ce qui vois fait sourire?

J’aime voir la réaction des gens lorsqu’ils découvrent pour la première fois notre design. C’est tellement gratifiant de les voir sourire. On ressent une profonde satisfaction lorsqu’on rend les autres heureux. La conception d’une voiture prend environ trois ans. La phase centrale de la conception dure environ neuf mois, comme pour mettre au monde un enfant. On éprouve les mêmes sensations avec la voiture: c’est notre bébé et nous en prenons grand soin. Nous nous engageons corps et âme dans la création d’une voiture: nous dénichons des idées, rencontrons des succès, mais essuyons aussi des échecs. Quand la voiture prend vie et que nous la voyons sur la route pour la première fois, quand nous voyons un client satisfait et fier au volant de sa voiture – ces moments sont le couronnement de notre travail.

Comment gérez-vous les critiques?

Il n’existe pas de vérité absolue en matière d’esthétique. Les formes et les couleurs sont une question de goût. Si cela plaît aux uns et déplaît aux autres, alors nous pouvons dire que nous avons bien fait notre travail. Une réaction, même négative, vaut mieux que l’indifférence. Comme nous mettons un peu de notre âme dans chaque voiture, cela nous rend évidemment vulnérables. Si quelqu’un se plaint de la voiture, c’est comme s’il se plaignait un peu de nous. Les critiques peuvent faire mal, mais cela fait partie de notre travail. Notre but est de créer des émotions et non d’êtres médiocres.

Comment savez-vous ce qui plaît aux gens? Quelle est votre source d’inspiration?

Tout. Tout ce que je trouve intéressant. Je m’intéresse beaucoup aux avions, à leur élegance audacieuse. Je suis également fasciné par les bateaux, tout comme par l’architecture, la mode, le cinéma et l’électronique. Chaque fois que je voyage, j’aime m’asseoir dans un café pour observer la circulation, les gens, l’atmosphère. Le monde regorge de merveilles et de surprises. Les concepteurs doivent être capables d’identifier à temps les tendances et d’anticiper les évolutions futures. Nous n’avons certes pas de boule de cristal, mais nous avons cette faculté essentielle qu’est l’intuition. Il est parfois difficile de convaincre les gens, car nous ne sommes pas en mesure de fournir des preuves. Nous ne pouvons pas prouver que la voie choisie est la bonne, il s’agit juste d’une intuition. Ce n’est pas facile, mais cela me plaît.

Avez-vous toujours rêvé de devenir concepteur?

J’ai toujours fait des dessins, même enfant. Mais à l’époque, je ne dessinais pas des voitures, mais des dessins animés. Mon rêve était de travailler dans les studios de Disney et de faire des films comme Peter Pan ou Blanche-Neige. Ils foisonnent de créativité et répondent à des exigences artistiques très élevées. Cette fascination ne m’a plus quitté et, aujourd’hui, je collectionne les esquisses de storyboard de Disney. Plus tard, une fois l’école terminée, j’ai décidé de devenir journaliste. Je pensais qu’une carrière artistique ne fonctionnerait pas. Mais un voisin, qui travaillait comme assistant dans une école d’art, m’a invité à une exposition. Il y avait une salle pleine de croquis de voitures réalisés par d’anciens stagiaires de Volkswagen.

Quand j’ai vu ces croquis, je me suis dit: c’est exactement ce que je veux faire. J’ai pris cette décision sur un coup de tête et je ne l’ai jamais regrettée. Cette carrière s’est présentée à moi, je ne l’ai pas cherchée.

Vous ètes un grand amateur de disney. Quel est votre film préféré?

Je suis aussi un grand fan de Star Wars et oui, j’aime beaucoup de films de Disney. Mais le film que je préfère et qui m’a profondément influencé est Blade Runner. Star Wars est un joli conte de fée, mais Blade Runner est très proche de la réalité et dépeint une vision possible du futur. J’ai acheté le carnet de croquis avec tous les dessins des voitures, des personnages et des costumes. Une œuvre prodigieusement artistique et visionnaire. Si vous allez aujourd’hui à Shanghai et que vous regardez tous les gratte-ciel, les lumières et les publicités projetées, vous verrez que c’est exactement ce que Ridley Scott a mis en scène il y a 20 ans.

Quel est votre art préféré?

J’aime les croquis de vieux maîtres comme Michel-Ange ou Léonard de Vinci, souvent plus que les peintures qui en sont inspirées. J’aime le processus de conception qui mène à l’image finale. Cela montre qu’une grande œuvre d’art est le fruit d’un travail constant et rigoureux, semblable à la construction d’une voiture d’exception. Vous devez faire des recherches et rectifier plusieurs fois le projet. Le moment de créativité immortalisé dans les croquis me fascine. Tout comme Léonard de Vinci cherche les proportions idéales du corps humain, nous cherchons les proportions idéales d’une voiture. Sportive? Spacieuse? Confortable? C’est une quête de perfection.

Qu’attendez-vous du futur?

Les nouvelles technologies nous posent des défis majeurs, et j’aime les relever. Conduite autonome, commande vocale, nouvelles réglementations ou même hologrammes. Je suis heureux que le monde ne soit pas en train de devenir ennuyeux, parce que nous voulons rester créatifs. J’attends avec impatience chaque nouveau défi, car ils rendent notre vie passionnante et stimulent notre créativité. Nous devons toujours en tirer le meilleur parti, et notre défi consiste à faire mieux que les autres. C’est un peu comme dans une course de Formule 1: vous devez toujours donner le meilleur de vous-même afin de garder une longueur d’avance, même si les règles changent. L’avenir ne me fait pas peur. Au cours des 20 dernières années, nous n’avons eu que du verre, du caoutchouc et de l’acier. Aujourd’hui, nous disposons d’une multitude de matériaux intéressants.

Vous habitez depuis peu en république tchèque. Quelles sont vos impressions?

L’année dernière, je me suis rendu pour la première fois de ma vie en République tchèque. J’ai visité Prague et j’ai été impressionné par son architecture à la fois traditionnelle et moderne. Prague est une ville magnifique avec un caractère marqué et une histoire riche, mais elle est en même temps jeune et dynamique. Et c’est ce qui me plaît. Je constate des similitudes avec ŠKODA. En effet, la marque a une longue histoire derrière elle et constitue une source d’inspiration intarissable. Aucune autre marque automobile ne jouit d’un héritage aussi riche. Il suffit de penser par exemple à son rapport avec l’art du traitement du cristal de Bohême. Nous puisons notre inspiration dans cette source pour créer des voitures uniques, qui distinguent ŠKODA des autres marques automobiles. Et nous allons poursuivre cette approche à l’avenir.

Quel est vos modèle préféré dans l’histoire de ŠKODA?

C’est la ŠKODA POPULAR MONTE CARLO. C’est une voiture élégante, dynamique et unique en son genre. Mon rêve serait de m’asseoir un jour au volant de cette voiture. C’est formidable d’avoir des voitures qui nous font rêver, et la POPULAR en fait partie. J’ai passé beaucoup de temps au musée ŠKODA et j’ai été vraiment surpris par la richesse de l’histoire de la marque. J’ai été aussi très impressionné par les voitures, leur qualité et le savoir-faire artisanal. Le passé est une grande source d’inspiration. Notre regard est toujours tourné vers l’avenir, mais nous n’oublions jamais nos origines. Elles nous servent de guide.

Qu’en sera-t-il du design ŠKODA dans cinq ans selon vous?

Je pense que ŠKODA a de très beaux jours devant elle. Nous continuerons d’améliorer la réputation de la marque. Elle occupe déjà une position de force sur le marché, mais sa notoriété subira une profonde mutation, et nous voulons accompagner ce processus avec notre design. Nous accorderons beaucoup plus de place aux émotions et nous voulons toucher et séduire encore plus de gens. Les voitures deviendront plus harmonieuses, dynamiques et émotionnelles. Nous voulons que les gens achètent une ŠKODA pas seulement pour son bon rapport qualité-prix, mais aussi parce qu’ils apprécient le design et le produit en général. Ce changement commencera avec les voitures qui arriveront sur le marché cette année, et nous intensifierons les mesures par la suite. Le design est souvent un facteur déterminant dans la décision d’achat d’une voiture. C’est précisément pour cette raison que notre travail est si important. Nous exprimons les valeurs de la marque et les rendons visibles.

Récemment, la ŠKODA VISION X a été présentée. Qu’est-ce qui fait sa spécificité selon vous?

La VISION X est la première ŠKODA pour laquelle j’ai eu l’occasion de mettre la main à la pâte, et cela a été une expérience extraordinaire. Notre tâche était de créer un trait d’union avec le KAROQ et le KODIAQ, tout en conférant au véhicule un caractère individuel. J’aime notre nouvelle interprétation de la proue. Les feux diurnes représentent une fine ligne de quatre éléments lumineux en verre, les phares principaux sont placés plus bas. Un look très audacieux et moderne, qui confère à la voiture un caractère unique et familier. Nos clients doivent toujours pouvoir identifier une ŠKODA, et je crois que nous sommes parvenus à atteindre cet objectif – la voiture suscite des émotions et repousse les limites tout en restant crédible. Et la couleur Flex Green est tout simplement merveilleuse, fraîche et éclatante. Elle rend la voiture visible de loin.

Combien de membres compte vos équipe et quel rôle joue-t-elle exactement?

Notre équipe de concepteurs est composée de plus de 100 personnes provenant de 25 pays. C’est une équipe très internationale. Nous avons des collaborateurs qui viennent d’Espagne, d’Allemagne, de Chine, de France et de nombreux autres pays, bien sûr aussi de la République tchèque et de la Slovaquie. Aujourd’hui, chacun de nous est un acteur mondial et il est nécessaire d’avoir des employés d’horizons différents. Les concepteurs tiennent à collaborer avec nous, et ceci prouve que nous sommes une marque attrayante. Mon travail consiste à faire rêver les gens et à faire germer les idées.

Notre travail est parfois très simple: vous prenez un stylo et une feuille de papier et commencez à esquisser une idée. Il n’y a pas de secrets, pas de travail à l’ordinateur, seulement des personnes assises à une table et qui rêvent. Et je veille à ce que les idées ne soient pas éliminées trop rapidement, il faut faire en sorte qu’elles se développent. Nous essayons de faire quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant, et si nous cherchons à définir trop restrictivement ce qu’est ŠKODA ou ce qu’elle n’est pas, nous empêchons la créativité de s’épanouir. Nous attendons de voir ce qui en ressort et sommes toujours ouverts à la nouveauté.

Citez trois choses sans lesquelles vous ne pourriez pas vivre.

Ma famille bien évidemment, mon travail, qui est ma passion...et mon carnet de croquis.